Pas méchant mais jamais content...
À l'adolescence, vous mirez désespérement les quelques vilains boutons (calculette est votre surnom) qui fleurissent sur ce nez juste charmant alors que vous l'aimeriez insolent... Vous pleurez sur vos rondes joues de bébé, vos cheveux raides ou trop frisés, vos jambes de sauterelle ou votre taille trop enrobée.
Les bottes qu'il faut absolument porter sous peine d'être définitivement classée dans les ringardes à l'avenir plus que bouché ne conviennent ni à un mollet potelé ni à des pieds qui ont une fâcheuse tendance à se laisser aller (disons le tout net : vous avez le pied plat). Le plus étrange : ces chaussures n'aiment pas plus les mollets de coq et les pieds taillés péniche. À quels elfes sont-elles donc destinées ?
Une once de satisfaction dans ce désastre : vos dents ont recouvré une implantation correcte après des mois de torture et de zézaiements humiliants. Bien plantées, certes, mais leur couleur laisse à désirer. C'est tout juste si vous osez sourire... Parents, vous voici rassurés : l'air perpétuellement renfrogné de vos chérubins n'est dû QU'À cette disgrâce physique.
Dans les magazines que vous feuilletez fébrilement, il est une page que vous ne rateriez pour rien au monde. Celle où figurent les conseils de beauté, donnés charitablement par un top au visage d'ange, à la peau de pêche et dont l'IMC ne doit pas atteindre la norme conseillée ou si péniblement que c'en est anecdotique. La science permet de bien beaux miracles. Vous vous surprenez à rêver : j'y arriverai un jour, j'y arriverai...
Quarante et quelques années plus tard, ce sont des sillons étranges qui parcourent votre visage bien moins charmant, au nez toujours pas insolent ou d'une insolence qui n'attendrit plus. Vos cheveux ont, au mieux perdu leur couleur (qui, même si elle n'avait rien de divin, même si elle ne vous agréait pas toujours, avait le mérite d'être là)au pire, se sont carapatés en groupe (Madame, soyez sérieuse, avez-vous déjà vu une femme chauve ? Ben oui mon bon, c'est bien ça le problème !). Vous pleurez sur vos rondes joues de vieux bébé, vos jambes de sauterelle arthrosique ET votre taille trop enrobée.
Les bottes ont ce fameux petit élastique qui permet d'en envisager l'achat mais le pied, lui, refuse toujours de se montrer conciliant : l'hallux valgus fait de la résistance et ne s'imagine pas (vous, encore moins) prisonnier toute une sainte journée dans un tel carcan (la prison fut-elle de cuir fin). Votre sourire Ultra-B* ne trompe personne : ils sont tous à vous ces morceaux d'ivoire ?
Votre beauté ne se suffit plus de conseils, aussi avisés soient-ils, il lui faut maintenant des recettes. Elles vous sont servies sur un plateau d'argent par une pin-up qui vous annonce sans sourciller un âge tout bonnement incroyable. D'ailleurs vous ne la croyez pas mais votre candeur naturelle et un espoir insensé vous font imaginer un lendemain sans rides, sans douleurs, sans kilos superflus... Elle a quel âge déjà Jane Fonda ?
Portraits sans peur mais avec beaucoup de reproches. L'exagération ne m'effraie pas.
Un peu d'honnêteté ne nuisant pas, osez dire sans rougir que vous n'avez pas sursauté sur UN seul (point trop n'en faut) petit ... souci ? Un méchant souvenir qui refait surface, une légère faiblesse.
Si ce n'est pas le cas, passez votre chemin. Je ne peux rien pour vous. Les hasards de la génétique ont été cléments avec vous. Vous faisiez, vous faites partie de ces quelques filles/ femmes parfaites (ou qui s'imaginent l'être. On n'est jamais si bien servi...). Celles à côté desquelles, on se sent petites, moches, insignifiantes...
Une question : ce n'est pas un tantinet difficile d'être ainsi admirable ?